Nouvelle version
Jour et nuit, le concert cacophonique de la jungle a martelé mes oreilles. Malgré cela, je me suis habituée à dormir dans un hamac au coeur de la forêt amazonienne, faisant fi des scorpions et des anacondas. Je me suis lavée dans les eaux du Rio Negro infestées de piranhas ; en mal de nourriture, j’en ai même mangé ! J’ai bu, en alternance, mon eau et mon café dans une cannette de bière évidée. J’ai manqué de tout…
J’ai quotidiennement cherché le sommeil, allongée sur le toit d’une jeep en plein Sahel. Une nuit, j’ai été réveillée par un bruissement de feuilles, tout près. Un gros animal herbivore, resté incognito dans la nuit africaine, se régalait tranquillement grâce aux arbrisseaux à portée de notre campement rudimentaire, loin du village. Il finit par s’éloigner, lentement, lourdement, sans piétiner la personne qui dormait non loin dans une minuscule tente…Du haut de mon perchoir, j’avais peur. J’avais aussi un peu faim : ma portion du ragoût de boulettes Cordon Bleu (repas de dernier recours) n’avait pas comblée mon appétit. Au cours de la journée qui suivit, des femmes du pays m’ont offert de laver ma robe ; après trois jours de route sans eau, elle et moi étions couvertes de poussière de terre rouge.
Ayant connu l’exotisme et ses inconforts, la peur et les privations de toutes sortes, je me croyais amplement préparée au style de vie primitif associé à des rénovations domiciliaires, surtout dans un chalet d’été que je fréquentais depuis 30 ans. L’absence de toilette, de cuisinière et de frigo n’allait pas m’empêcher de vivre ! Mais la coupure complète dans l’approvisionnement d’eau me surprit : j’avais les ongles cernés, la bouche épaisse, le corps rendu poisseux par la chaleur estivale.
Le travail à l’ordi me permettrait d’oublier… Hum, dans la pièce voisine, séparée par une mince cloison, hurlaient la musique pop, les jurons et les invectives des travailleurs, sans compter le vrombissement périodique de la perceuse. Qu’à cela ne tienne, je m’installerais sur la véranda grillagée.
Dehors, la scie électrique m’avait précédée et se lamentait copieusement. La vue du paysage, qui en d’autres temps me charmait, était bloquée par un camion, une remorque et un monceau de débris. Non loin, trônait une volumineuse bâche bleue où mes meubles avaient cherché refuge.
Je m’avouai vaincue, j’allais quitter les lieux.