Berges et barges

Une croisière fluviale au temps des tulipes.
Devant un tel libellé, mon cœur n’a fait qu’un tour. Je me suis inscrite à mon premier voyage en bateau (un petit navire, cela va de soi!).

Aux environs d’Amsterdam, un jardin de tulipes exceptionnel m’attendait. Formes et couleurs sans cesse renouvelées. Un paradis pour l’œil. Bon début!

Par la suite, installation dans nos cabines et amorce de la navigation sur le Rhin, ce cours d’eau mythique, si souvent célébré. De plus, j’allais découvrir le patrimoine mondial de l’UNESCO! Des décors de châteaux, de forteresses et de vignobles dansaient dans ma tête.

Dans la réalité, le temps fut gris, frais, ennuyeux comme le paysage, trois jours durant. Les berges se suivaient, semblables les unes aux autres. À peine quelques mètres de profondeur, tantôt sablonneuses, tantôt pierreuses, entrecoupées d’un pont occasionnel (toujours élégant!). Désertes en semaine, accueillant, les jours de congé, quelques chiens, marcheurs ou pêcheurs, elles paraissaient vouées, jour après jour, à l’observation des barges qui défilaient…

J’aurais dû les aimer ces longues embarcations, vestiges d’une circulation millénaire sur le fleuve. Pourtant, sans cesse croisées, elles me semblaient incompatibles avec le romantisme promis.

Et pour cause! L’esthétique n’est pas au rendez-vous : certaines sont garnies de rouille, d’autres, fermées par un couvercle ou bardées de tuyaux. Elles s’interposent entre le bateau et la rive. Leur procession est continuelle, grâce à deux conducteurs qui se relaient. Elles portent des noms, souvent féminins, sans rapport visible avec leur chargement de terre, de sable, de conteneurs, de débris de métal, etc. Ces chalands me tiendront compagnie tout au long du périple, à l’aller comme au retour.

À la noirceur, je cessais de les voir, alors je retrouvais ma paix, celle de la tranquillité d’une croisière fluviale.