J’ai commencé ma carrière scolaire engoncée dans une épaisse serge noire. Corsage à plis fins, rabat blanc au cou, jupe ample, bas opaques et souliers assortis : tenue réjouissante pour mes six ans! Pour les grandes occasions (la fête du curé, celle de la provinciale, le concert annuel, la remise des prix), je retrouvais la robe de même style mais confectionnée dans un fin tissu blanc. Pour la « callisthénie » (nom utilisé par les religieuses pour désigner la gymnastique), j’enfilais la blouse de coton (style matelot) sur une jupe bleu foncé. Cet ensemble, plus léger, était autorisé lors des grandes chaleurs de juin.
Au fil des ans, les essayages de ces chefs d’œuvre de la mode « Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie » avaient lieu au couvent dans un des grands parloirs. Dans ce lieu solennel se prenait la grande décision : rallonger le corsage et la jupe ou changer le vêtement. Je grandissais!
La jupe de chacune de ces tenues comportait une fente du côté droit. Ma main s’y glissait et pénétrait dans un petit compartiment de coton : la « poche de sœur ». Cousue sur une ceinture ajustée par un bouton, elle était portée sous l’uniforme. Elle recelait l’essentiel : quelques sous pour la collation, un grand mouchoir et, surtout, le nécessaire chapelet.
Cet accessoire fut mien pendant sept longues années.
Je continuai mon parcours au sein de cette congrégation et connu deux changements vestimentaires. Le bleu marine devint de rigueur pour les élèves, mais les sœurs restèrent endeuillées!