Marcel se décide enfin et ouvre la porte d’une chambre au sous-sol de sa maison. Horreur! Il voit tout ce qu’il n’a pas réussi à jeter au cours des 20 dernières années. Un fouillis de livres, de poteries, de disques, de meubles, d’articles ménagers, de vêtements.
Il est tout de suite attiré par une longue fourrure : « Ernestine l’aimait tellement ce manteau. Quelles belles loutres! » Il hume, ses doigts se promènent, caressent, puis s’immobilisent pour mieux sentir la douceur. « Elle était grande Ernestine, il a fallu beaucoup de peaux pour l’habiller. Mais j’étais tellement fier de la voir se promener dans le village. À l’église, les femmes la suivaient du regard jusqu’à notre banc. »
Marcel regrette de s’être aventuré dans cet antre. Il y retrouve Ernestine à laquelle il s’efforce de ne pas penser. Il se dirige d’un pas ferme vers la porte.
Sur le seuil, il remarque, à droite, une boîte tapie contre le mur, remplie de bocaux. Les conserves d’Ernestine! Déjà trois ans! Il s’agenouille et dévisse quelques couvercles. Il tâte les petits cornichons qui semblent encore fermes, mais les confitures sont garnies de dentelle blanche. « Je les jetterai la prochaine fois ».
Il se relève avec le ferme propos de quitter la pièce.
Du coin de l’œil, il entrevoit des bouts de tissus multicolores. « Les courtepointes d’Ernestine! Je n’ai jamais rien compris au piqué, au matelassé et autres complications, mais j’ai toujours admiré le résultat. J’aurais dû lui acheter une meilleure machine. Elle me l’a demandée… » Rongé par le remords, le cœur déchiré, les yeux humides, il ferme brusquement la porte de cette pièce, se promettant de ne pas y revenir de si tôt.