Dialogue inhabituel

Plusieurs s’étaient déplacés et tendaient l’oreille pour saisir les propos du pasteur qui, finalement, récitait une dernière prière tout en agitant consciencieusement son goupillon. Le trou était là, béant, et le cercueil descendit avec une lente majesté à l’emplacement prévu pour le repos éternel de Marie-Louise.

Le départ de l’officiant permit aux membres de la famille de se regrouper.
« Tu aurais pu venir plus tôt! »
« J’en ai été empêché. »
« Par ton travail ou par ta femme? Je sais qu’elle n’a jamais aimé notre mère! »
« Je t’en prie, ce n’est pas le moment de me faire des reproches. Je suis là. »
« Elle aurait eu besoin de te voir de son vivant! »

Furieuse, la sœur continue d’invectiver son frère qui promet de s’amender et de la visiter plus souvent. D’autres personnes s’approchent d’eux et la dispute est interrompue.

Une dernière pensée pour sa mère, une dernière fleur lancée dans la fosse et Charlotte se dirige vers la voiture qui l’attend. Les souvenirs affluent : les multiples et inutiles coups de fil qu’elle a envoyés à Georges pour le prévenir d’une fin prochaine, les demi-mensonges qu’elle a dû inventer pour soulager la peine de Marie-Louise devant l’absence de son fils…

Et le voilà qui accourt et lui glisse à l’oreille :
« Je te laisse. Dans deux heures, je prends l’avion pour Vancouver, mais je reviendrai bientôt ».