J’annonce avec fierté : Almanzor Nadeau a gagné le prix.
Quel prix?
Le prix que je décerne, après étude, au prénom masculin le plus étonnant.
Non, je n’ai pas été touchée par la folie. Je me suis intéressée aux prénoms après en avoir cherché quelques-uns pour illustrer ou pimenter un texte. Ayant dressé, de mémoire, une liste personnelle de prénoms contemporains, je me suis tournée vers la nécrologie pour compléter mon répertoire en pensant à d’éventuels aînés littéraires.
Une RECHERCHE sur les prénoms des personnes décédées, voilà qui est de mon ressort! J’ai enseigné la méthodologie de recherche en sciences sociales, je connais les règles de l’art!
D’abord de l’argent. J’ai adressé ma demande aux organismes subventionnaires fédéraux, provinciaux, municipaux, aux grandes Fondations. En vain, mon sujet ne cadrait pas avec les problèmes à la mode (c’est ce que j’ai compris malgré la langue de bois). Diane Bernier m’a prêté son assistance; il faut au moins un ou une assistant(e) de recherche pour faire sérieux.
Vient ensuite l’échantillon. Pendant quelques mois (les derniers du journal « papier » de La Presse), les personnes décédées, mais nées avant 1930 ont fait l’objet de mon attention. J’ai trouvé Aurèle, Donat, Elphège, Langis, Ludger, Rosaire, Vital et d’autres, au goût des jeunes parents d’autrefois.
Ai-je oublié les femmes? Que non! Pour la même époque, j’ai repéré une vingtaine de noms masculins féminisés : Antoinette, Fernande, Henriette, Marcelle, Clémentine, pour n’en nommer que quelques-uns. D’autres plus spécifiquement féminins ont complété mon registre : Adeline, Bibiane, Carmel, Gemma, Idola, Meleda, Philomène et j’en passe. Devrais-je décerner un prix à Idola ou à Meleda?
Je n’avais pas de problème éthique : les journaux sont publics. Quant au comité de sélection des prénoms, il était absent. J’ai donc vérifié personnellement trois fois mes choix! Et après tout ce travail, le gagnant est ma prérogative. J’ai mis fin à cette recherche ultra scientifique lorsque les deux colonnes de ma page furent remplies. J’étais en mesure de décerner le prix!
Pauvre Almanzor , il est décédé et ne pourra jouir de la renommée qui vient avec un prix aussi prestigieux. Anita non plus, à 96 ans, elle est récemment partie le rejoindre.
À l’avenir, je n’aurai plus à chercher, simplement à me référer aux quelques feuillets que je conserve précieusement… sous clé.