Les funérailles. L’endroit de prédilection pour entendre l’éloge des grand-mères. Avec une tendre affection, les petits enfants, tant filles que garçons, égrainent les anecdotes et les souvenirs. « C’était un phénix ». « Je n’oublierai jamais sa tarte aux fraises ». Des auditoires attentifs accueillent les descriptions de québécoises aimantes, chaleureuses, disponibles, généreuses, trésors de sagesse et…de gâteries.
Ma grand-mère n’a pas fait exception. Elle présentait cependant des caractéristiques supplémentaires. Elle était anglophone, née hors Québec et non catholique. A cette époque, c’était marginal dans mon milieu de vie.
Mes trois ans ne voyaient rien de ces anomalies et se réjouissaient de cet ajout à notre trio familial. « Une personne de plus pour s’occuper de moi ! ». Ce qu’elle fit avec cœur et ingéniosité. Avec les retailles de mes manteaux, fournis par la couturière (le prêt-à-porter n’avait pas encore conquis les marchés) ma grand-mère cousait, à la main, une réplique pour ma poupée : l’année de notre manteau rouge aux garnitures de lapin gris, nous avons formé un duo remarqué.
Une présence anglo-saxonne dans la cuisine me permit de découvrir les délices de la tarte à la citrouille, du mincemeat pie et du Christmas pouding. Elle versait du sherry sur le gâteau de son Trifle ; j’étais impressionnée !
Sa difficulté à parler le français fit de moi une parfaite bilingue : quelle chance ! Bien sûr, j’héritai de l’accent de Brantford, Ontario. Pas si mal ! Grâce à elle, je goûtai, entre autre, aux charmes des Nursery Rhymes. A ce jour, je peux chantonner les aventures de Miss Moffat, de Old Mother Hubbard ou du gros Oeuf :
Humpty Dumpty sat on a wall
Humpty Dumpty had a great fall
All the king’s horses and all the king’s men
Couldn’t put Humpty together again
Sa conversion au catholicisme se fit selon les règles de l’époque ; elle était devenue amoureuse d’Albéric, né sur les terres de Saint-Vincent de Paul. Elle conserva néanmoins l’habitude, qui me semblait toute protestante, de lire la Bible les dimanches après-midi. C’était une activité privée dont elle ne parlait pas…Heureusement pour moi : les jours d’école étaient suffisamment gorgés de prosélytisme religieux.
Dotée d’une jolie voix, elle avait, dans les années antérieures à son mariage, fait partie d’une chorale, sans doute affiliée à une église. Il faut ajouter que ma grand-mère était la fille d’un pasteur…
Une grand-mère…
Quel délice, ce texte. J’aime beaucoup ces textes qui m’apprennent des choses sur toi, merci, Diane
J’espérais aussi que ce texte te permette de penser à tes propres grands-mères et à leur importance dans ta vie.
La grand-mère dont je parle m’a ouvert beaucoup de portes.
Diane
Tout à fait sympathique cette grand-mère! Pas comme les autres dis-tu, quelle chance alors. Elle t’a ouvert un monde que d’autres, comme moi, n’ont pas connu sinon tardivement.
J’ai été privilégiée d’avoir cette grand-mère pas comme les autres. Une grande richesse m’a été transmise, mais en même temps, elle a façonné une identité plus complexe…
Diane
Quelle grand-mère, tout de même…et marier un «Albéric»! Qui se serai douté qu’un texte commençant pas «Les funérailles» pourrait être aussi sautillant agréable et joyeux. Merci c’était tout à fait délicieux. Heu… Je ne savais pas qu’Humpty Dumpty existait avant les «chips», merci pour ça aussi.
Mon texte renvoie à la culture religieuse de l’époque.
Les mariages avec une personne non-catholique étaient-ils permis en France à la fin du 19e siècle?
Tu pourrais t’amuser à consulter un site internet de Nursery Rhymes. Tu y découvrirais des personnages très colorés.
Merci
Cette grand-mère « pas comme les autres » m’est allé droit au coeur car elle me renvoie vers ma propre grand-mère, unique en son genre… à mes yeux. J’ai le souvenir de sorties au théâtre le dimanche, suivi de thé et gâteau… Votre texte m’a donné une envie irrépressible de sortir mon livre de desserts anglais et de faire un cake ! Bravo !