« Cette pluie va s’éterniser », songe José. Il s’en réjouit, car les vacanciers envahissent déjà l’espace sous le toit de chaume qui abrite son bar.
Quelques réfugiés de la plage sont déjà attablés. Un trio de filles où chacune est hypnotisée par son écran. Tout au fond, une lectrice d’âge mûr sirote son thé, complètement absorbée par son roman. Non loin, un homme plus jeune tient sa tasse à deux mains et regarde dans le vide, l’expression aussi morne que le paysage.
« Enfin un peu de vie! » se dit José en observant un groupe de joyeux retraités qui s’approchent et discutent bruyamment; ils tentent de former des paires. « Oh! Des joueurs de bridge! » Bonne intuition : les huit visiteurs prennent place aux tables en jaugeant leurs compétences respectives.
Les cartes sont distribuées, le rhum aussi. Malgré l’heure matinale, l’alcool tropical finit par couler à flots. La concentration silencieuse enveloppant l’énoncé des premiers contrats cède bientôt la place aux taquineries multiples et finalement aux âneries. Quel vacarme! Les rires, mais aussi les cris, fusent de toutes parts. « Ce que tu joues mal aujourd’hui! » « Tu devrais retourner suivre des cours » « Tu triches! » « Je ne jouerai plus jamais avec toi! »
José s’étonne de ce qu’il qualifie de joyeux bordel. « Moi qui ai toujours considéré les joueurs de bridge comme des gens sérieux! Ceux-ci s’amusent peut-être, mais la partie de cartes, elle, a drôlement dégénérée… »
Désillusion…
Même si José est désillusionné, le rhum a coulé à flot, ce qui est excellent pour son commerce.
Par contre, l’ambiance qui règne dans cet endroit ne donne pas pas envie d’y être. Je parle pour moi, bien sûr.
Merci de ton intérêt pour José. Il y a des journées grises, même dans le Sud, l’hiver.
J’aimerais savoir ce que les joueurs de cartes pensent de mon texte…
Je ne suis pas joueuse de bridge. Par contre, ma perception des joueurs et joueuses de bridge est telle que je suis restée abasourdie par ton texte, ne pouvant même pas les imaginer sacrifier le sacro-saint sérieux de leur jeu au profit du bon rhum et de la dolce vita de vacances dans le Sud.
Je partage ta perception des joueurs de bridge, peut-être avons-nous des « préjugés »?
Ce texte me fait penser à la célèbre partie de carte entre Cesar, Panisse, escartefigue dans Marius de Marcel Pagnol. Le rhum remplace le pastis et le bridge, la manille locale. Sinon, l’ ambiance semble similaire…. Les accusations de tricherie » tu me fends le cœur…. » Sont également présentés… Tout y est pour une bonne partie…à suivre
Votre comparaison m’honore madame.
Ce petit texte a été rédigé sur commande dans un atelier d’écriture à partir de trois consignes: José, le barman de 34 ans, la pluie et l’illustration d’un thème.
Le prochain texte portera sur l’hiver dans le nord…