Des pieds et des mains

Ces jours-ci, je dessine des pieds et des mains. Tout professeur de dessin qui se respecte engage ses élèves dans ce délicat travail d’observation. Je me conforme donc et regarde avec attention mes paumes et mes doigts.

Voilà que je retrouve, à gauche, de fines lignes blanches entre l’index et le majeur, une minuscule cicatrice en forme de croix. Elle me ramène à ce lundi où, petite, j’observe ma mère et ma grand-mère affairées à la lessive hebdomadaire. Dans la cuisine une odeur de mouillé flotte dans l’air et se répandra bientôt dans tout l’appartement grâce aux cordes de séchage qui seront tendues le long du corridor.

Grimpée sur une chaise, j’observe la merveille (des années 40) : un lave-linge à moteur! Les vêtements tournent et virent dans la grande cuve de métal. J’entends le wish…wish…wish…qui signale l’activité de la machine. Une essoreuse, tout aussi moderne, surmonte le tout. Le mouvement régulier des rouleaux de caoutchouc me fascine. Je pose une question et tends le doigt : hop, il est happé par les « tordeurs ». Cris de part et d’autre, cran d’arrêt. Hélas, mon index pendouille. Seul un morceau de chair le retient à ma main.

L’ambulance arrive et m’amène « faire un tour » à l’hôpital. Par le hublot de la porte métallique, je vois mon père qui nous suit dans la voiture familiale. Je lui fais signe de ma main valide, tout excitée par la nouveauté. La douleur? Je ne me souviens pas. La suite? Également oubliée.

Seule, subsiste la minuscule croix blanche qui me rappellera toujours la tordeuse de la machine à laver, vue de trop près à cinq ans.

N.B. On peut voir ces laveuses antiques sur Les Pacs, de 125 à 550$.

2 réflexions sur “Des pieds et des mains

  1. J’étais de corvée sur la machine familiale pour l’essorage. Je devais insérer une portion du vêtement entre les deux rouleaux et le faire passer au travers en l’étalant, surveillant l’épaisseur car s’il était trop gros, il bloquait la machine. La remettre en état prenait pas mal de temps, ce qui me valait les remontrances de ma grand-mère qui rouspétait tout le temps qu’elle manipulait les mécanismes. Mais beaucoup plus tard, dans un chalet que nous avions loué en Gaspésie, j’étais bien heureuse d’avoir appris pour ne pas avoir à courir à la buanderette et je me suis fait un devoir d’enseigner à ma fille l’art du passage du vêtement dans le tordeur.

  2. L’essoreuse a été une pièce très importante dans notre enfance.
    La vie domestique était organisée en fonction des tâches ménagères qui rythmaient les jours de la semaine. Le vendredi, c’était le ménage, et je me rappelle l’odeur vinaigrée qui traînait encore à mon retour de l’école.

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